Matières : Droit du travail
Mots clés : CONCERTATION AUX FINS DE CESSATION DE TRAVAIL – RUPTURE ABUSIVE – PREUVE A LA CHARGE DE L’AUTEUR DE LA RUPTURE – ARTICLE 31 al.2 du CODE DE TRAVAIL –RENVERSEMENT DE LA CHARGE DE LA PREUVE – LICENCIEMENT DEGUISE
La signature sans réserve d’un solde de tout compte accompagné d’une allocation de départ fait présumer la renonciation du salarié à toute réclamation ultérieure, sauf preuve d’un vice du consentement ; il appartient à l’employeur de démontrer que le consentement a été libre et éclairé, et non au salarié de prouver l’absence de contrainte. La Cour d’appel a inversé la charge de la preuve. Dès lors, sa décision encourt la cassation.
Cassation : Ordinaire
Nature : Sociale
Solution : Rejet
ARRÊT N° 326 du 20 juillet 2018
Dossier : 562/07-SOC
CONCERTATION AUX FINS DE CESSATION DE TRAVAIL – RUPTURE ABUSIVE – PREUVE A LA CHARGE DE L’AUTEUR DE LA RUPTURE – ARTICLE 31 al.2 du CODE DE TRAVAIL – RENVERSEMENT DE LA CHARGE DE LA PREUVE – LICENCIEMENT DEGUISE
« La signature sans réserve d’un solde de tout compte accompagné d’une allocation de départ fait présumer la renonciation du salarié à toute réclamation ultérieure, sauf preuve d’un vice du consentement ; il appartient à l’employeur de démontrer que le consentement a été libre et éclairé, et non au salarié de prouver l’absence de contrainte. La Cour d’appel a inversé la charge de la preuve. Dès lors, sa décision encourt la cassation. »
Sieur R.A. et consorts
C/
La Société XXX
RÉPUBLIQUE DE MADAGASCAR
COUR DE CASSATION
CHAMBRE CIVILE COMMERCIALE SOCIALE
La Cour de Cassation, Chambre Civile Commerciale Sociale en son audience publique ordinaire du vendredi vingt juillet deux mille dix-huit, tenue au Palais de Justice à Anosy, a rendu l'arrêt dont la teneur suit ;
LA COUR
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant sur le pourvoi de R.A. et consorts tous domiciliés à [adresse] mais élisant domicile en l'étude de son conseil Maître Mamy RAKOTONJATOVO, contre l'arrêt n° 132 rendu le 05 avril 2007, par la Chambre Sociale de la Cour d'Appel d'Antananarivo dans l'affaire les opposant à la Société XXX;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur les deux moyens de cassation réunis, pris de la violation des articles 1, 15, 25, 26, 24 et 56 de la Loi organique n°2004.036 du 1er octobre 2004 sur la Cour Suprême, des articles 20, 64 et 65 de la loi n° 2003 044 du 28 juillet 2004 portant Code de Travail ;
En ce que la Cour d'Appel a reconnu expressément dans ses motifs que la convention de la concertation intervenue entre les parties n'a pas spécifié les causes exactes de la cessation de travail, et que la Cour, a d'autorité, devant cette carence tiré les soi-disant motifs de la cessation du contrat à travers les conclusions des parties en cause d'instance alors que l'article 20 de la loi n° 2003-044 du 28 juillet 2004 portant Code de Travail stipule expressément que la rupture abusive lorsqu'elle est effectuée sans motif légitime, sans cause réelle et sérieuse ;
En ce que la Cour d'Appel a débouté purement et simplement les requérants de leurs demandes au motif qu'ils ont accepté leur solde de tout compte sans contestation ni réserve alors que les articles 64, 65 susvisés sont sans équivoque là-dessus en ces termes " ...n'est opposable au travailleur la mention " pour solde de tout compte " ou toute mention équivalente souscrite par lui, soit au cours de l'exécution, soit après la résiliation de son contrat de travail, et par laquelle le travailleur renonce à tout ou partie des droits qu'il tient de son contrat de travail ... " article 65 : " Toute convention ou transaction passée entre l'employeur et le travailleur ne peut signifier pour ce dernier renonciation aux droits qu'il tient des dispositions législatives et règlementaires " ; que c'est alors à bon droit que les requérants ont attrait la société XXX en justice pour réclamer leurs droits à indemnisation pour licenciement et droit à préavis ;
Vu les textes de loi visés aux moyens ;
Attendu en substance que les deux moyens réunis reprochent à la Cour d'Appel d'avoir décidé que la rupture du contrat n'est pas abusive ;
Attendu cependant que l'article 31 al.2 du Code de Travail de 1995, régissant le présent litige stipule " qu'il appartient à la partie auteur de la rupture d'établir que celle-ci est légitime " ;
Or, pour constater que l'acte dénommé " convention de cessation concertée de travail " résulte d'un accord de volonté des parties, l'arrêt attaqué a relevé dans ses motifs que " ... ladite convention n'a pas spécifié les causes exactes de cette décision de rupture ; que cependant les conclusions des requérants en instance a toutefois apporté des éclaircissements en ce qu'une réunion a eu lieu pour annoncer qu'une modernisation va être effectuée au sein de la Société notamment à l'équipe de livraison et ceux qui ne pourront pas le faire ou se croyant vieux seront invités à contacter les responsables sans plus d'amples informations ; qu'en l'espèce une convention a été signée entre les parties ; ...qu'en droit de travail essentiellement protecteur des travailleurs, il importe d'analyser si le consentement de l'employé a été vraiment libre ou bien a-t-il été sous la contrainte, équivalent à un licenciement déguisé ; que R.A. et consorts ont reçu le solde de tout compte avec une allocation sociale de départ sans aucune contestation ni réserve le mois de juillet 2004 et ce n'est que plus tard le 02 septembre 2004 qu'ils ont introduit leur action en justice ; qu'ils n'ont pas rapporté la preuve qu'ils ont signé la convention sous la contrainte ... ;
Attendu qu'en l'état de ses énonciations et par application de l'article 31 al.2 suscité, la Cour d'Appel a renversé la charge de la preuve et sa décision relative au problème de la rupture du contrat de travail encourt de ce fait la cassation sans qu'il soit besoin de statuer sur le troisième moyen ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE l'arrêt n° 132 du 05 avril 2007 rendu par la Chambre Sociale de la Cour d'Appel d'Antananarivo ;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction mais autrement composée ;
Ainsi jugé et prononcé par Cour, Chambre les jour, mois et an que dessus.
Où étaient présents :
La minute du présent arrêt a été signée par le Président, le Rapporteur et le Greffier./.