Matières : Droit bancaire
Mots clés : Banque - Ventes de devises – Absence d’un ordre de vente écrit du client – Rupture unilatérale d’une convention de découvert – Abus de droit Art. 20 Loi 90-004 portant statut de la Banque centrale et Marché interbancaire des devises, art. 1134,1147,114
Doit être cassé l’arrêt qui a admis la Banque à vendre les devises de son client sans l’autorisation écrite de ce dernier, et ce, contrairement aux termes de la Note de la Banque Centrale intitulée « La Marché interbancaire de devises ». Encourt la cassation l’arrêt qui a fondé sa décision sur un texte caduc et qui n’a pas retenue une faute constitutive d’abus de droit le fait par la Banque de mettre fin sans préavis ni mise en demeure une convention de découvert conclue pour une durée indéterminée dont bénéficie son client alors même que chaque partie a le droit de révoquer unilatéralement cette convention.
Cassation : Ordinaire
Nature : Commerciale
Solution : Cassation
ARRET N° 125 du 03 mars 2017
Dossier : 136/02-COM
BANQUE – VENTES DE DEVISES – ABSENCE D’UN ORDRE DE VENTE ÉCRIT DU CLIENT – RUPTURE UNILATÉRALE D’UNE CONVENTION DE DÉCOUVERT – ABUS DE DROIT
Art. 20 Loi 90-004 portant statut de la Banque centrale et Marché interbancaire des devises, art. 1134,1147,1149 Code civil
"Doit être cassé l’arrêt qui a admis la Banque à vendre les devises de son client sans l’autorisation écrite de ce dernier, et ce, contrairement aux termes de la Note de la Banque Centrale intitulée « La Marché interbancaire de devises ».
Encourt la cassation l’arrêt qui a fondé sa décision sur un texte caduc et qui n’a pas retenue une faute constitutive d’abus de droit le fait par la Banque de mettre fin sans préavis ni mise en demeure une convention de découvert conclue pour une durée indéterminée dont bénéficie son client alors même que chaque partie a le droit de révoquer unilatéralement cette convention."
R.D
C/
Héritiers R.L
REPUBLIQUE DE MADAGASCAR
COUR DE CASSATION
CHAMBRE CIVILE COMMERCIALE ET SOCIALE
La Cour de Cassation, Chambre Civile Commerciale et Sociale, en son audience publique ordinaire du vendredi trois mars deux mille dix sept, tenue au palais de Justice à Anosy, a rendu l'arrêt dont la teneur suit:
LA COUR
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant sur le pourvoi de la Société COMALEX, dont le siège social est à [Adresse 1] ,ayant pour conseil Me Andriamanambahy Rodin, Avocat, contre l'arrêt n°74 du 14 juin 2001 de la Chambre commerciale de la Cour d'Appel d'Antananarivo rendu dans la procédure qui l'oppose à la BFV-SOFIRE;
Vu le mémoire en demande produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 20 de la Loi n°90-004 du 10 juin 2004 habilitant la Banque centrale à donner aux banques primaires toutes instructions relatives aux opérations bancaires avec l'étranger et au contrôle des changes et de la note de la Banque centrale intitulée " Le Marché Interbancaire des Devises ", page 6, paragraphes 2, 4.2,
En ce que la BFV a vendu sans ordre de la demanderesse les 23 651 dollars de cette dernière,
Alors que la réglementation de la Banque centrale intitulée " Le Marché Interbancaire des Devises " stipule expressément que la vente des devises doit faire l'objet d'un ordre écrit du vendeur à sa banque;
Vu ledit texte ;
Attendu que l'arrêt attaqué énonce ". . .attendu ainsi que l'ordre de la COMALEX en date du 12 juin 1997 tendant au virement de la somme de 23 651,8 USD au compte de son partenaire, ne pouvait être exécuté puisque selon les réglementations en vigueur, l'autorisation ne porte que sur les 20% des recettes d'exportation, soit 43.651 X 20 = 8.720 USD "
100
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, l'arrêt attaqué a implicitement mais nécessairement admis que les 23.651 USD ont été vendus par la BFV sans autorisation de la COMALEX alors qu'aux termes de la note intitulée " Le Marché Interbancaire des Devises ", les ordres d'achat et de vente de devises donnés aux banques par leurs clients doivent être écrits et s'ils ont été reçus par téléphone, ils doivent être confirmés par écrit dans la journée ;
D'où il suit que le moyen est fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 1134, 1147 et 1149 du Code civil, En ce que le 02 juin 1997, la BFV, en bloquant de fait le crédit de la COMALEX résultant du paiement par la GEPRO SA de la première livraison de café, mit brusquement et unilatéralement fin à la convention de découvert dont la COMALEX bénéficiait sans la moindre information préalable ou postérieure,
Alors que cette convention ayant été conclue pour une durée indéterminée conformément au droit commun contractuel et en l'absence de dispositions contractuelles contraires, il appartient à la BFV de rechercher l'accord de la COMALEX pour y mettre fin avant d'entamer éventuellement une procédure de résiliation ;
Vu lesdits textes ;
Attendu que la convention de crédit qui liait la COMALEX à la BFV était un contrat à durée indéterminée à défaut d'un écrit prévoyant un terme ; que chaque partie avait le droit de révoquer unilatéralement la convention ;
Attendu toutefois que la banque ne doit pas commettre de faute constitutive d'un abus de droit, l'abus pouvant résulter notamment de la brutalité de la rupture ou d'une rupture abusive ; qu'aux termes de l'article 167 de la LTGO, la résiliation doit être précédée d'un préavis ou d'une mise en demeure ;
Attendu en l'espèce qu'il n'est pas contesté que la COMALEX s'était vu refuser par la GEPRO SA la demande de prorogation au 30 septembre 1997 de la validité de la lettre de crédit fixée initialement au 21 juillet 1997 au motif qu'elle n'avait pas pu honorer à temps son contrat d'exportation, la contrepartie de la somme de 43.651 USD, prix de la première livraison de 30 tonnes de café ayant été confisquée par la BFV et versée dans ses comptes débiteurs pour apurer ses comptes et ce, en vertu d'une convention de compte courant laquelle est d'ailleurs formellement contestée par la COMALEX ;
Attendu que pour infirmer le jugement entrepris qui avait relevé les agissements de la BFV, l'arrêt attaqué s'est borné à déclarer qu'aucune faute ne peut être reprochée à celle-ci sans même avoir procédé à une étude chronologique des faits et à une analyse des documents soumis à son examen pour rechercher les causes exonératoires de responsabilité à écarter ou les causes génératrices de responsabilité à retenir contre la BFV ;
Qu'une telle énonciation ne constitue pas une motivation suffisante permettant à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur la conformité de la décision attaquée aux textes de loi susvisés
Que le moyen est dès lors fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation tiré de l'article 5 de la Loi n°61-013 du 19 juillet 1961, pour violation de la loi, fausse application et fausse interprétation de la loi, excès de pouvoir,
En ce que l'arrêt attaqué, pour justifier la vente des devises sans ordre, s'est fondé sur l'arrêté n° 4367/97,
Alors que la référence exacte de l'arrêté auquel s'est référée la Cour d'Appel est l'arrêté n°4367/94 du 28 septembre 1994 ; qu'il s'agit d'un arrêté portant modification de l'arrêté n°1937/94 fixant les modalités d'application du décret n°94-204 du 22 mars 1994 portant réglementation des comptes en devises ;
Vu lesdits textes;
Attendu que l'arrêt qui s'est fondé sur un texte devenu caduc pour justifier la vente sans autorisation des devises virées au compte de la COMALEX par la GEPRO SA se trouve privé de fondement juridique et encourt la cassation ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE l'arrêt n°74 du 14 juin 2001 de la Chambre commerciale de la Cour d'Appel d'Antananarivo ;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ;
Ordonne la restitution de l'amende de cassation ;
Condamne la défenderesse aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, Chambre civile Commerciale et Sociale les jour, mois et an que dessus.
Où étaient présents:
Mesdames et Messieurs :
- RASOLO Elise Alexandrine, Président de la Cour de Cassation, Président;
- RASOLOFO Suzanne Odette, Conseiller - Rapporteur ;
- RASOAMIHAJA Raderandraibe , Conseiller, RAZAFIMANANTSOA Françoise Pompeï, Conseiller, RAJERISON Arsène, Conseiller, tous membres ;
- RALALAOHARISOA Marie Georgette Emmanueline, Avocat Général;
- RAJAONARISON Herimalala Patricia, Greffier.
La minute du présent arrêt a été signée par le Président, le Rapporteur, et le Greffier./.